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L'insertion par l'activité économique dans
Les pratiques achats responsables

Parmi les enjeux de progrès social, l’insertion des personnes éloignées de l’emploi pour des raisons sociales ou de handicap est un des sujets majeurs portés par les politiques achats responsables dans les marchés publics. Précisée par le code du travail, « L'insertion par l'activité́ économique a pour objet de permettre à des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières de bénéficier de contrats de travail en vue de faciliter leur insertion sociale et professionnelle. Elle met en œuvre des modalités spécifiques d’accueil et d’accompagnement » (Article L.5132-1) du code du travail.

Le code du travail précise que « l’insertion par l’activité économique, notamment par la création d’activités économiques, contribue au développement des territoires », ce qui rejoint les enjeux des collectivités publiques.

L’objectif est de permettre aux personnes embauchées dans le cadre d’un parcours d’insertion, d’acquérir une expérience professionnelle et une formation pour pouvoir retrouver un emploi ‘classique’ à termes.

Sont notamment éligibles aux clauses sociales d’insertion et de promotion de l’emploi :

- Les demandeurs d’emploi de longue durée
- Les allocataires du RSA en recherche d’emploi
- Les publics reconnus travailleurs handicapés
- Les bénéficiaires de l’Allocation Spécifique de Solidarité (ASS), de l’Allocation d’Insertion (AI), de l’Allocation Adulte Handicapé (AAH), de l’Allocation d’Invalidité,
- Les jeunes de moins de 26 ans, diplômés ou non, sortis du système scolaire ou de l’enseignement supérieur depuis au moins 6 mois
- Les chercheurs d’emploi seniors (plus de 50 ans)
- Les personnes prises en charge par les Structures d’Insertion par l’Activité Économique (SIAE) ou dans des dispositifs part
iculier), les GEIQ...

Il s’agit également d’aider des personnes en difficultés à reprendre confiance, à surmonter des difficultés personnelles et à se projeter dans un projet professionnel. Il ne s’agit donc pas uniquement de fournir un travail ou une activité mais de participer à un dispositif d’accompagnement de ces chercheurs d’emploi. Les parcours d’insertion ne peuvent excéder 24 mois.


Témoignage Sylvain Berthelot, Directeur IPSO

La commande publique peut donc être utilisée comme un levier de lutte contre le chômage de longue durée et l’exclusion en incitant l’ensemble des acteurs à prendre des dispositions permettant de favoriser, pour une partie des prestations ou des réalisations, le recours à l’embauche de personnes intégrées dans des parcours d’insertion.
L’intégration de ce thème dans une politique achat responsable globale nécessite une vraie volonté et une bonne compréhension du sujet et des règles applicables mais également une mobilisation forte des acheteurs, des fournisseurs et des acteurs de l’insertion.
Cet enjeu étant spécifiquement abordé dans le code de la commande publique, il est donc également l’un des plus ‘populaires’ sur le volet social dans les marchés publics. Ainsi, le guide sur les aspects sociaux de la commande publique de juillet 2018 publié sur le site de la DAJ évoque principalement ce sujet.


Base d’une obligation mais également d’une opportunité, l’article L2111-1 du code de la commande publique précise que la nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale. Ce dispositif s’applique quelque soit le montant annuel d’achat et impose donc aux acteurs de se donner des ambitions. Naturellement, l’insertion par l’activité économique peut donc être envisagée comme un des éléments de réponse à cette obligation, dès lors qu’elle devient un des enjeux du donneur d’ordre.
En complément, l’article L2111-3 du code de la commande publique prévoit que pour les collectivité territoriales et les acheteurs soumis au code dont le montant annuel d’achats est supérieur à 100 Millions d’Euros Hors Taxes, un schéma de promotion des achats publiques socialement et écologiquement responsables soit défini et rendu publique et comporte des éléments à caractère social visant à concourir à l’intégration sociale et professionnelle de travailleurs handicapés ou défavorisés ainsi que des modalités de mise en œuvre et de suivi annuel de ces objectifs. Certes dans ces deux cas, chaque organisation reste libre de se fixer le niveau à atteindre (qu’il soit quantitatif ou qualitatif) mais il est bien nécessaire de s’être fixé une ambition sur ce sujet, adaptée naturellement au contexte de son territoire et des besoins de la population qui y vit.Sur le plan de la mise en œuvre dans les pratiques achats, le code de la commande publique permet d’intégrer cette clause de plusieurs manières. Selon l’article 2112-2, « les conditions d’exécution d’un marché peuvent prendre en compte des considérations relatives (…) au domaine social, à l’emploi ou à la lutte contre les discriminations ». Il est donc possible de réserver un nombre d'heures ou un pourcentage du volume horaire du marché à des personnes en difficultés socio professionnelles. Bien sûr, cela sous-entend que cette condition d’exécution soit compatible avec la réalité des ressources disponibles, des compétences nécessaires pour satisfaire à l’ensemble des exigences du marché. Par ailleurs, le code de la commande publique prévoit la possibilité de réserver des marchés ou des lots de marchés à certains opérateurs économiques qui emploient des travailleurs handicapés et défavorisés (Articles L2113-12 à 14). Les organismes concernés (entreprises adaptées, établissement d’aide par le travail, structures de l’insertion par l’activité économique) ainsi que la proportion minimale de personnels concernés sont bien sur précisés. Cette disposition ne dispense pas les acheteurs d'organiser, dans les cas prévus par le code, les procédures de mise en concurrence. Attention, on ne peut réserver un marché public ou un lot aux opérateurs économiques capables de répondre à la fois dans le cadre du handicap et dans celui de l'insertion par l'activité économique. Le choix doit donc être fait en amont. Enfin l’article R 2152-7 relatif au choix des critères d’attribution intègre précisément l’insertion professionnelle des publics en difficulté dans la liste d’exemple de critères non-discriminatoires permettant de déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse. Ces critères devant bien sûr être liés à l’objet du marché ou à ces conditions d’exécution.


En théorie, il n’y a pas de marchés pour lesquels les clauses ne devraient ou ne pourraient pas s’appliquer et ce sont avant tout le besoin en insertion du tissu local, les aptitudes des publics visés et la capacité des entreprises soumissionnaires à proposer des solutions qui devraient guider les réflexions. Dans la pratique, on retrouve le recours à l’insertion majoritairement dans les Marchés de travaux et de Services, marchés pour lesquels la part de main d’œuvre est significative et où il est ‘plus facile’ d’identifier les postes qui seront directement affectés aux marchés. Néanmoins, le code des marchés publiques permet de prendre en considération l’ensemble des stade du cycle de vie des travaux, services ou fournitures ce qui permet donc de considérer l’ensemble des métiers et/ou activités de l’entreprise, en rapport naturellement avec l’exécution des marchés considérés. Les marchés de fourniture sont plus complexes dans la mesure où il est nécessaire de démontrer et quantifier le lien entre les heures d’insertion effectuées dans l’entreprise et l’objet du marché considéré. Cela peut néanmoins être un élément à prendre en compte dans son analyse du marché.

Capacité des opérateurs économiques à y répondre :

Pour une entreprise, la question de son action en faveur de l’insertion doit se poser dans le cadre d’une réflexion globale sur sa propre démarche responsable et considérée en fonction de son propre projet. Il doit donc s’agir d’une démarche volontaire et engagée (et non considérée uniquement comme une contrainte imposée par le donneur d’ordre), nécessitant de réfléchir à la manière d’intégrer ce sujet dans son organisation et ses pratiques, en tenant compte de la nature de ses métiers et de ses activités en adéquation avec les besoins en insertion de son territoire. Il est également important de se rapprocher des Structures de l’Insertion par l’Activité Economique (SIAE) qui pourront apporter leurs expertises, leurs connaissances du tissu local et également proposer des solutions (mise à disposition de personnes, prestations de services, sous-traitance…)


Comme évoqué précédemment, il est nécessaire de porter une réflexion globale sur les objectifs d’insertions susceptibles d’êtres portés par les différents marchés et de prendre le temps, en amont des définitions de besoin ou de lancement des marchés, de communiquer et d’échanger avec les différents acteurs.
Il ne s’agit donc pas d’agir au coup par coup, selon les marchés mais bien de définir une stratégie cohérente et adaptée. On pourra, pour cela, se rapprocher des organismes dédiés à l’accompagnement des entreprises et des donneurs d’ordre(Maison de l’Emploi , Plan Local d’Insertion Economique, DIRECCTE qui pourront aider dans la réflexion.
Les facilitateurs (Cf encadré)
Les facilitateurs sont des experts de l’insertion par l’activité économique dont le rôle, dans le cadre d’une mission de service public et/ou d’intérêt général, est de contribuer au développement et à la mise en œuvre, sur leurs territoires, des clauses sociales .Ils peuvent être intégrés à un Plan Local pluriannuel pour l’Insertion et l’Emploi (PLIE), une Maison de l’Emploi, une structure intercommunale, une commune ...
Le facilitateur est un appui indispensable pour le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage qui peut l’aider à définir sa stratégie d’insertion.
Ils aident les acheteurs à définir et rédiger les clauses sociales dans leurs marchés et assistent les fournisseurs et prestataires dans la mise en œuvre.Ils ont également pour mission, dans la phase d’exécution des marchés, d’évaluer le nombre d’heures d’insertion réalisées et de contrôler le respect des critères qualitatifs intégrés dans les contrats.
sont également des acteurs à solliciter car ils pourront non seulement apporter un éclairage sur les moyens techniques mais seront également nécessaires à la mise en œuvre des clauses sociales.
Enfin, Il est également important pour l’acheteur public de comprendre, dès la phase de sourcing, quelles sont les stratégies, pratiques et possibilités des entreprises des secteurs visés sur ces sujets.
Les entretiens de sourcing seront également l’opportunité pour l’acheteur de partager ses objectifs globaux en matière d’insertion et d’inciter ainsi les opérateurs économiques à entamer une réflexion en amont des appels d’offres. De nombreux points devront être anticipés et précisés :
  • le nombre d’heures (en quantité ou en pourcentage) à réserver à l’insertion et à faire figurer dans le Cahiers des Clauses Administratives Particulières en tant que conditions d’exécution du marché
  • les critères de performance pertinents et les pondérations à retenir (l’encadrement technique et le tutorat, l’accompagnement socio-professionnel, les moyens de mobilité, les heures d’insertion au delà du minimum du CCAP (à plafonner pour éviter une distorsion de concurrence)
  • l’allotissement et l’adaptation de la clause sociale en fonction des lots
  • la réservation de certains lots à des opérateurs économiques de l’insertion
Fournisseurs : les actions pour y répondre :

Dès lors que les possibilités de recours à l’insertion dans son activité ont été définies et prévues, les moyens d’intégration des personnes en parcours d’insertion sont multiples : Embauche directe (CCD, CDI, contrat d’apprentissage ou de professionnalisation …), mise à disposition de salariés par une SIAE ou un GIEQ, sous-traitance à une SIAE.
Une difficulté pour les entreprises est de concilier une politique de recrutement et de formation efficace en matière d’insertion avec des besoins ‘ponctuels’ et segmentés d’acheteurs avec des plannings souvent incompatibles.
La globalisation est un dispositif permettant à une entreprise attributaire de plusieurs marchés publics contenant une clause sociale de solliciter la possibilité d’affecter une personne recrutée dans le cadre d’un parcours d’insertion à la réalisation d’une seule des prestations prévues par les différents marchés mais en allouant les heures à chacun des marchés à proportion des engagements des différents contrats.
Ceci pré-suppose l’obtention de l’accord préalable des donneurs d’ordre ou maîtres d’ouvrage, généralement par l’intermédiaire des facilitateurs. Cette pratique encourage la mise en œuvre de réelles politiques en matière d’insertion et, rappelons le, il est également possible de valoriser ces démarches auprès de donneurs d’ordre privés dans la mesure où le pilotage et la transparence sur le décompte des heures d’insertion sont efficaces et validés par un facilitateur indépendant.

Important, dans la mesure où une entreprise intervient sur plusieurs marchés publiques contenant une clause d’insertion, il est possible de globaliser les heures (Cf encadré)Par ailleurs, répondre uniquement sur le nombre d’heures d’insertion demandées dans les conditions d’exécution des marchés ne suffit pas, la qualité de l’offre sera également prise en compte sur des critères de performance qui auront été exprimés. La qualité de l’offre doit non seulement s’appuyer sur des moyens mis en œuvre mais également être perçue et bien comprise par l’acheteur lors de son analyse des réponses à son marché. Ces deux derniers points (possibilité de mutualisation et qualité de l’offre) doivent donc inciter les entreprises à mettre en œuvre une vraie politique ‘RH’ en matière d’insertion leur permettant de répondre efficacement aux sollicitations des clients. Ces pratiques sont également valorisables et applicables auprès de donneurs d’ordre privés ayant eux-mêmes mis en œuvre leur propre politique en matière de Responsabilité Sociétale.


Les indicateurs de pilotage doivent permettre de mesurer et d’apprécier l’engagement des différents acteurs en consolidant l’ensemble des actions menées et en fonction des objectifs que l’on s’est donné.
  • Mobiliser les acheteurs sur les clauses sociales : Nombre de marchés intégrant une clause sociale d’insertion et la moyenne de la pondération accordée à la qualité de l’offre d’insertion
  • Mobiliser les fournisseurs sur les clauses sociales : Nombre de fournisseurs ayant intégré l’insertion dans leurs politiques RSE
  • Procurer des heures de travail à des salariés en insertion : Nombre d’heures demandées dans les marchés / nombre d’heures réalisées
  • Diversifier les opportunités métiers à proposer en matière d’insertion : Répartition des secteurs / métiers intégrant l’insertion dans les réponses aux marchés.
Bien sûr, il est important de s’inscrire dans une démarche de progrès et donc de ne pas considérer les indicateurs que sur les résultats mais plutôt au regard de l’évolution que l’on peut mesurer dans le temps et des objectifs que l’on se donne sur la durée.

Points de vigilance :

Le dimensionnement et la précision des critères d’ évaluation des clauses sociales sont fondamentaux. Il faut pouvoir être ambitieux mais être également en adéquation avec les capacités des entreprises et besoins des territoires. En donnant de la visibilité sur la stratégie moyen / long termes des organisations publiques, en s’organisant pour favoriser la globalisation des heures d’insertion, on permet aux acteurs de l’insertion de construire des parcours mieux adaptés et plus efficaces. Les modalités de contrôles des engagements et la sanctions prévues en cas de non respect doivent également être anticipées et clarifiées.
Le dimensionnement du nombre d’heures à réserver à l’insertion dans un marché est relativement complexe puisqu’il doit tenir compte à l’a fois de la nature des métiers et compétences nécessaires et de la disponibilité de chercheurs d’emploi en insertion capables de Pour les fournisseurs, n’utiliser du personnel en insertion que pour répondre à des marchés publics est un risque. En cas de difficultés, le marché peut être remis en cause. Il est donc préférable de s’inscrire dans une démarche plus globale afin de pouvoir mobiliser des collaborateurs intégrés sur des marchés privés (en concertation bien sûr avec les acteurs concernés)

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